Vous avez sans doute souvent entendu dire que pour travailler votre voix vous deviez d’abord travailler votre respiration afin qu’elle vous aide à soutenir votre voix.
Vous serez peut-être surpris de découvrir que selon la manière d’aborder la voix, cela peut être totalement faux, et même contre-productif.
Si vous considérez la voix comme une mécanique, y inclure la respiration a du sens, en revanche, si vous la voyez du point de vue énergétique, il en va tout autrement.
L’approche mécanique de la voix
En général, la voix est considérée comme un instrument à vent puisque c’est l’air expiré qui, en passant sur les cordes vocales, va former le son.
En tant que chanteuse lyrique, j’ai longtemps appris que le geste respiratoire devait être amplifié, approfondit, afin de bien « soutenir le son ». À la suite de quoi je me suis exercée à ouvrir au maximum mes côtes et à les garder ouvertes le plus longtemps possible pour m’appuyer sur cette pression pendant que je produisais le son. Ceux qui suivent des cours de technique vocale classique savent certainement de quoi je parle, et surtout connaissent cette tension que l’on exerce sur notre corps pour effectuer ce geste.
Et c’est de ceci dont je voudrais vous parler justement.
Il s’avère que cette tension n’est pas indispensable si l’on comprend la voix autrement.
Lorsque vous voulez produire un son de façon puissante, que ce soit pour parler ou chanter, vous allez avoir tendance à pousser fortement l’air à l’extérieur de vous. Le cri en est un exemple: beaucoup d’air expulsé avec force à travers des cordes vocales tendues fait beaucoup de bruit.
La déclamation théâtrale ou le chant lyrique sont en général construits sur ce modèle : on vous proposera de projeter votre voix après avoir pris une grande respiration et de garder le plus longtemps possible la pression à l’intérieur pour « soutenir le son ».
C’est en effet la manière de faire lorsque l’on a une conception mécanique de la voix.
L’approche énergétique de la voix.
En revanche, lorsqu’on s’intéresse à l’approche énergétique, on se rend compte que le geste de respirer amplement puis d’installer une tension musculaire qui « soutiendra le son » est inutile, voire contre-productif.
En effet, deux inconvénients majeurs se révèlent.
- Le premier est que vous allez devoir beaucoup penser à votre respiration. En voulant vous appliquer à reproduire un mécanisme, vous occuperez une partie de votre mental à le faire et cela nuira à votre naturel. Si vous écoutez un orateur qui prend régulièrement d’amples respirations contrôlées pour projeter sa voix vers l’assemblée, vous finissez par avoir l’impression d’assister à une compétition d’athlétisme plutôt qu’à une conférence.
- Le deuxième inconvénient est que, pour vous appuyer sur l’ouverture de vos côtes, vous allez devoir installer une tension musculaire. En la tension, ce n’est pas bon ! Parler ou chanter sur un corps tendu va immanquablement impacter votre vibration donc la manière dont votre message sera perçu. Un corps tendu ne vibre pas librement, cette tension est transmise par votre voix et reçue de façon inconsciente par votre auditeur. Celui-ci décodera de la dureté au lieu de la fluidité, de la difficulté à la place de la facilité.
Ne sous-estimez pas la puissance de la qualité vibratoire de votre voix dans la manière dont votre parole est perçue.
Apprendre à respirer pour chanter ?
Si vous pensiez qu’apprendre à respirer d’une certaine manière était la première condition au travail de la voix, je vais donc vous décevoir.
Dans ma pratique personnelle de chanteuse et mes quelques décennies d’accompagnement en voix, je pratique une seule méthode respiratoire : … ne pas penser à la respiration.
Quelle libération lorsque je fis cette découverte ! Après avoir longtemps encombré mon esprit et mon corps de larges respirations superflues, je comprenais que tout était beaucoup plus simple.
D’ailleurs, en réfléchissant, lorsque nous parlons naturellement, nous ne pensons jamais à respirer de telle ou telle manière. Nous respirons, c’est tout. L’oiseau se décortique-t-il les neurones pour savoir où placer son inspiration et comment poser son chant ? Alors, comment peut-il avoir un chant si puissant sans l’appuyer sur une tension musculaire dans son petit corps pour moitié composé de plumes ? Parce que son chant est une vibration et non une production mécanique.
Je reviendrai à d’autres occasions sur cette différence, mais pour ce qui est de la respiration, ceci nous intéresse au plus haut point.
Le corps, instrument vibrant.
Si l’on décide de voir notre voix comme un phénomène vibratoire, on modifie complètement le rôle du corps : celui-ci n’est plus un mécanisme qui produit un son mais un instrument qui sonne par sa conception propre. Je m’explique : le tambour ne fabrique pas le son à partir d’un mécanisme intérieur qui le ferait vibrer, mais en réponse à une énergie extérieure qui entre en contact avec lui : le maillet animé par l’instrumentiste. Du coup, si nous considérons que notre voix répond à une énergie extérieure plutôt qu’à un mécanisme intérieur, nous comprenons l’utilité de garder notre instrument corps le plus libre possible de toute tension inutile. Il a simplement besoin d’être construit. En d’autres mots, le tambour est construit de façon équilibrée, sa caisse a les bonnes dimensions et la peau est tendue de façon juste, et pour qu’il sonne pleinement on ne devra ajouter aucun objet à l’intérieur. Lorsque nous utilisons notre voix, notre corps est construit, droit, présent, mais sans tension ni raideur afin de laisser la vibration s’amplifier et se diffuser autour de lui.
Apprendre à respirer pour chanter ou pour parler vous sera donc peut-être utile dans une vision mécanique de votre voix, mais totalement inutile dans une vision énergétique, la seule qui puisse vraiment vous permettre de travailler en profondeur sur vous-même et de transformer votre expression et l’impact de votre voix.